Administration & Gestion

Prise de pouvoir, “malgré nous”

Prise de pouvoir, « malgré nous »
Nous sommes parvenus à faire adopter le principe d’une rénovation de notre tranche d’immeubles au sein de notre Résidence. Qui en comprend 6 pour un total de 600 logements. Née de la volonté d’un couple particulièrement opiniâtre et très convaincant, la mise en cause de l’inertie du CS en place et resté indifférent, 22 ans durant, devant l’urgence sinon d’un rénovation, du moins d’un ravalement, a fini par faire mouche. Mais personne parmi les personnes critiques à l’égard du CS n’avait eu le projet ni de lui manquer de respect, ni, encore moins, de le « renverser ».
Avec le temps, nos bâtiments étaient en passe d’arracher le titre envié de passoires thermiques de la décennie et notre conseil syndical de remporter la palme des meilleurs acteurs de la fameuse pièce de boulevard « Tout change mais rien ne change ».
Avec un tel pedigree, notre résidence considérée, dans les années 60-70 du siècle passée, comme une réalisation de luxe, à tout le moins de haut standing, avait, depuis, tellement déchu qu’elle pouvait se présenter haut la main à l’émission de TV préférée des Français « La France défigurée » mais aussi à celle d’une chaîne concurrente « Châteaux branlants et cités indigentes ». Cela, après ses victoires prestigieuses aux Jeux Olympiques des « Passoires Thermiques », les cités explosives de France et de Navarre y ayant été battues à plate de couture.
Animés de la seule volonté de faire appel au bon sens et à la sage raison du CS et opposé à toute atteinte à sa dignité, à sa compétence et à sa probité, comme à son dévouement dans la défense des intérêts de notre collectif de copropriétaires, nous n’en fûmes pas moins pour nos frais : irresponsabilité, incompétence, velléité. Ni plus ni moins, nous n’étions que des vipères lubriques et des rats visqueux assoiffés de pouvoir et avides de notoriété. Bigre…
Personne ne fut étonné que le CS en vint à la grande scène de l’acte III, celui du message non subliminal du « après moi, le chaos » et du « retenez moi sinon je fais un malheur ». Et alors que, 10 années durant, il n’avait soumis aucun projet de ravalement (ce que la loi lui imposait), il en sortait soudainement un de sa manche pour contrer toute demande de débat portant sur une rénovation digne de ce nom. L’urgence appelait, en effet, non pas à un simple ripolinage des façades mais à d’importants travaux sur toute la structure. Se voyant désavoué, à sa grande surprise, par l’AG des copropriétaires, le CS démissionna en bloc. Personne ne le retint aussi irremplaçable qu’il ait pu s’estimer.
Il se retrouva gros Jean comme devant. Mais nous aussi. En effet, son départ nous plaçait devant notre sens des responsabilités. A nous de nous montrer à la hauteur de notre dénonciation de l’inertie de l’ancienne équipe, sous peine d’être et de passer pour des velléitaires, pire, pour des rigolos, des farceurs, des fumistes ; cette catégories d’individus toujours aptes à refaire le monde sans se salir les mains, à faire la leçon à autrui sans jamais s’appliquer à eux-mêmes les règles qu’ils voudraient voir autrui s’imposer.
Pour dire vrai, si nous avions l’expérience de l’engagement et de l’investissement dans les causes collectives les plus diverses, tel n’était pas le cas s’agissant de la gestion de la copropriété. Nous avions même avoué qu’elle n’était pas notre tasse de thé ; nous y étions aussi experts que les poules en dentisterie. Pour nous, le monde des copropriétaires ne prêchait pas par essence l’amour de son prochain, la bienveillance envers ce dernier et l’action désintéressée. Il chérissait plutôt la devise : « chacun pour soi et Dieu pour moi ».
Lors de l’Assemblée Générale durant laquelle le CS s’était cruellement piégé, il avait fallu témoigner tant de volonté, de cohérence que de capacité à improviser. C’est ce que firent 6 copropriétaires, dont le couple à l’origine du projet de rénovation, tous prêts pour l’aventure.
En définitive, les copropriétaires purent ainsi pousser un soupir de soulagement, soupir d’autant plus vif que les craintes d’un lendemain sans CS avaient été grandes. Quant à nous, le pouvoir nous tomba dans les mains sans même y avoir aspiré ; malgré nous.

Par HORNN G.