Relations de voisinage

J’adore mes copropriétaires

C’est à Perpignan sur l’avenue Joffre, au sixième étage d’un immeuble en copropriété que mes parents ont un coup de cœur et achète un appartement dans une tour qui domine le quartier. Je vais me plaire dans ce logement, ce coin de la ville est un bon compromis proche du centre, dynamique et pas loin des quartiers historiques. Mon premier samedi après-midi je choisis de le passer en famille dans notre nouveau nid.
14H15. Dans quarante-cinq minutes nous allons entendre le jingle de l’ORTF, j’ai la boule au ventre, les frissons, cette musique annonce que le tournoi des cinq nations va débuter. Je vais passer le temps sur le balcon en attendant que l’arbitre britannique donne le coup d’envoi (neuf points de handicap).
J’ai dix-sept ans, je suis débordant de sève, tous mes sens sont en éveil, le spectacle gratuit est génial les voisines d’en face l’assurent. Aucun problème de vue, dix sur dix à chacun de mes yeux, je ne perds pas une miette de ce cadeau. Une belle et jeune blonde se trémousse, une poitrine qui ne bouge pas, des fesses qui sont au diapason. Deux maisons plus loin, la brune est un peu plus épaisse, généreuse, la façon dont elle passe l’éponge sur sa mini Austin me laisse rêveur, la mode est encore aux cols roulés frisés, c’est excellent cela me permet de bien localiser ces endroits qui nous rendent fous. Minijupe, mini Austin, maxi pelage. J’ai l’impression d’assister à une partie de tennis, mes yeux vont de gauche à droite. Mon père me signale que le Crunch va bientôt démarrer. De mon balcon je ressens une présence au-dessus de moi, la voisine me domine, ravissante, un peu timide, blonde, style mannequin. S’engage alors une petite conversation.
– « Bonjour, tu montes, tu viens ? ».
Très confortablement installé par l’ambiance qui règne dans le quartier, sans doute mon jour de chance, je lui demande
– « Maintenant ? »
Un grand sourire se dessine sur sa frimousse, mes yeux se plissent, elle essaie de cacher un petit fou-rire, mes tempes clignotent, un peu gênée elle me répond :
– « Excusez-moi, je m’adresse à l’enfant qui est au balcon au-dessous du vôtre ».
Il y a une minute j’étais à l’étroit dans mon pantalon, j’y fonds dedans maintenant. Mes excuses acceptées, je ne loupe pas le coup d’envoi. Très attentif au combat, papa me demande si je vais bien,
– « oui, oui, tout va bien ».
Je m’organise pour ne pas rencontrer ma cruelle voisine qui a dû amuser la galerie avec cette petite histoire, bon perdant j’ai ri aussi en la racontant. Une dizaine de jours est passée depuis la fausse invitation. J’attends l’ascenseur, l’immeuble est calme, le bouton clignote, la porte s’ouvre, dans le coin la belle. Rouge écarlate, elle sort vite en marmonnant un petit bonsoir et accélère le pas. Dans l’ascenseur, je sens ma petite vengeance, mademoiselle avait certainement mal au ventre. Je pense qu’elle mène tout de même au score.
J’adore les copropriétaires.

Par claude p.