HALTE A LA BÊTISE
Une fois de plus, preuve est faite que la bêtise n’a pas de limites et que l’adage selon lequel “plus con que moi, tu meurs” est cruellement démenti.
En effet, à la lecture du mél d’un(e) copropriétaire adressé à Mmes. R et F. B., nos Présidentes bien Aimées respectivement du Syndicat du Parc et du Conseil Syndical de l’Allée des Peupliers, les bras m’en sont tombés ! En effet, notre ch(e)(è)re voisin(e) a fait plus fort qu’Alfred Jarry et que tous les surréalistes réunis. Je savais notre UBU de service doué(e) d’une capacité de nuire sans nom, d’un égocentrisme puéril et d’une ouverture d’esprit propre à une moule mais j’étais encore loin de l’imaginer d’une bêtise susceptible d’atteindre des sommets himalayens.
C’est désormais chose faite, plus encore, démontrée.
Pour répondre à sa paranoïa fécale, qui d’entre nous dont le véhicule est garé ou non sous les frondaisons des arbres n’a pas été, un jour ou l’autre, la victime innocente des fientes lâchées par ces racailles d’oiseaux qui squattent notre Résidence ? Voilà près de 50 ans que j’habite en ces lieux et que je dois, donc, de temps en temps, passer mon chiffon humide sur le pare-brise et la carrosserie de ma voiture pour réparer les outrages qu’elle subit de la part de ces satanés farceurs d’oiseaux livrés à leurs orgies. Ce n’est ni un drame ni une affaire d’Etat méritant l’usage de la Grosse Bertha et l’intervention de troupes de choc.
Qui, sinon un esprit malade, pourrait vouloir faire payer aux arbres le prix des incontinences de cette engeance oiselée qui nous inflige ses turpitudes ? Guère plus dérangeantes, au demeurant, que celles de nos chiens promenés, chaque jour, au bout de leurs laisses par leurs maîtres équipés de sacs à déjection. Sans parler de celles de l’espèce humaine prise parfois, notamment la nuit, d’urgences sous-abdominales, au point d’en venir à lâcher ses mouscailles fluides ou solides au pied des troncs de nos arbres, quand ce n’est pas sur nos vertes pelouses, ou sur nos délicates platebandes fleuries. Comment ne pas faire appel à la tolérance quand nos tourments intestinaux ne souffrant aucun délai déversent les raisons de leurs souffrances ? Mais puisque la tolérance s’impose (exceptionnellement) à l’égard de nos semblables pris au piège de douleurs insoutenables et au supplice de les soulager en plein air avant même d’avoir pu atteindre la lucarne de leurs fauteuils d’aisance, pourquoi ne pas en faire profiter, à leur tour, nos chers vertébrés tétrapodes à sang chaud ?
Allons, sachons raison garder !
Tout d’abord, la race ailée ne choisit pas les seuls arbres comme rampe de lancement à leurs lâches soulagements. Toutes les voitures garées ailleurs que sous leurs frondaisons subissent également leurs outrages naturels commis aussi bien au repos qu’en plein vol.
Ensuite, à moins que notre ch(e)(èr)e voisin(e) soit la victime d’un harcèlement ciblé sur sa seule personne par une horde emplumée, (il) (elle) ne passe pas plus son temps à faire briller son pare-brise que la moyenne des copropriétaires victimes du manque de retenue de nos chères bêtes.
Enfin, cet UBU de service mesure-t-il le grotesque et le ridicule de ses plaintes ? Aussi surréalistes que celles de ce couple d’anciens citadins installés à la campagne et qui avait demandé à la Justice de faire tordre le cou du coq de la ferme voisine remplissant quotidiennement son rôle de réveille-matin. Ils furent déboutés sans avoir pris conscience de leur chance d’avoir échappé à la mort par ridicule.
A moins de témoigner d’une cervelle… d’oiseau, on n’exige pas l’élagage, voire l’abattage des arbres pour éviter aux véhicules garés les quelques chiures de nos camarades emplumés. User d’un tel procédé pour mettre un terme à leurs incivilités reviendrait à utiliser le marteau-pilon afin d’écraser les mouches, outre à porter atteinte à la Nature et à ses merveilles.
A ( M)(me) UBU, nous pourrions suggérer l’installation d’épouvantails sur les voitures. Mais les oiseaux ayant emprunté aux hommes ce travers de narguer systématiquement la maréchaussée et l’Autorité, par conséquent, de redoubler d’efforts pour les provoquer, non seulement le remède serait pire que le mal, mais nos véhicules disparaîtraient, en définitive, sous des monceaux de fientes.
Au point de ridicule dans lequel se noie notre ch(e)(è)re voisin(e), je lui suggèrerais volontiers d’entreprendre une démarche auprès de la Préfecture pour obtenir un permis de chasse ; ce qui l’autoriserait en toute légalité à décimer la racaille d’oiseaux perturbateurs abusant de sa patience et de sa tolérance. Ou encore, d’entamer un CAP de bûcheron alpiniste-voltigeur afin de grimper systématiquement aux arbres pour, au pire, faire rendre gorge aux présumés délinquants oiselés ou, au mieux, les gagner et/ou les convertir à l’usage civilisé du papier hygiénique.
(Il) (elle) pourrait également pratiquer l’échelle de perroquet, une revendication en appelant une autre sans avoir à revenir sur les acquis précédents. Ce qui lui permettrait de déclarer une guerre totale à tout ce qui contrevient à la conception qu’(il)(elle) partage avec (lui)(elle) seul(e) de la vie en copropriété. Entre autres, et dans le désordre :
• l’insémination des animaux volants, les déjections ne pouvant qu’en être stoppées net ;
• l’interdiction faite aux écoles voisines de notre Résidence d’autoriser les récréations, les décibels atteints par le tumulte des enfants représentant une menace mortelle pour la quiétude des copropriétaires ;
• à cet égard, et pourquoi pas, à l’instar des mesures prises à l’encontre de l’espèce emplumée gâchant notre paix et notre repos, l’insémination des parents d’élèves afin de régler efficacement et définitivement le trouble occasionné par les récréations, les rentrées et sorties d’école.
• L’abattage de tous les arbres accueillant perfidement les oiseaux nuisibles à la propreté de nos voitures mais faisant également de l’ombre et entraînant les dépenses relatives à la chute des feuilles d’automne…
• Mais mieux encore, obtenir du Parlement qu’il adopte un projet de loi introduisant dans la Constitution française un article proscrivant les catastrophes et les besoins naturels.
Note de bas de page : Afin de ne pas encourir le reproche de recourir à des références peu communes, je précise que Alfred Jarry est l’auteur de la pièce « Ubu roi » dans laquelle il mêle absurdité, farce, provocations, satire, parodie et humour gras. Jarry est un précurseur du mouvement surréaliste et s’est évertué à dépeindre les aspects aussi grotesques qu’absurdes de notre vie en société comme des relations humaines. Pour le situer, autant le placer entre Charlie (en plus fin, tout de même) et Le Canard Enchaîné (en moins politique).