A l’assemblée générale annuelle qui se déroula peu après la visite de l’architecte, j’annonçai la bonne nouvelle : on pouvait envisager de surélever l’immeuble et, grâce à la richesse créée, isoler correctement cette pauvre construction qui grelottait sous le froid de l’hiver et transpirait sous la canicule. Sur les visages des copropriétaires, se peignit d’abord la stupeur. Puis cette expression ennuyée, légèrement craintive, que l’on prend devant une personne complètement siphonnée. Le sentiment général fut que je préconisais un effondrement de l’immeuble. Le bien acquis par chacun, à coups de privations et d’économies, allait être englouti sous les décombres. Je ne jouissais pas de toute ma raison, sans doute. Le syndic consigna poliment, dans le procès-verbal de l’assemblée générale, que les copropriétaires avaient entendu une communication sur la surélévation et l’isolation et qu’il avait été décidé de ne pas y donner suite.
Je rendis néanmoins visite, à la Mairie, à l’adjoint chargé du logement, pour tenter de lui faire partager mon enthousiasme. Il prit un air rêveur et, quelques semaines plus tard, m’envoya un courriel lugubre : il avait consulté un sien ami, architecte, qui lui avait déclaré que les surélévations étaient considérées comme dangereuses, de nature à compromettre la solidité des constructions. On avait signalé des fissures considérables dans certains immeubles qui avaient cru faire des miracles. Les assurances avaient refusé de couvrir les dégâts. Les malheureux suréleveurs avaient été condamnés à payer jusqu’à la fin de leur vie les dommages qu’ils avaient causés. Dans ce contexte, il croyait devoir me suggérer de ne rien faire et de ne pas m’obstiner dans mon projet.
Florence C